Découvre-moi!

Je suis bien loin d’avoir côtoyé toutes les minorités ethniques du Vietnam. Mais, je ne désespère pas de sillonner les routes du pays en compagnie de mon ami vietnamien Tuân et de réussir à rencontrer des ethnies minoritaires aux habits, coutumes et rites si différents.

>>Avide de plein

>>Ça ne lui ressemble pas

>>Village dans la ville

Des filles et enfants H’mông du district de Vân Hô, province montagneuse de Son La (Nord-Ouest), s’amusent lors de leur fête traditionnelle.
Photo: Ngoc Hà/VNA/CVN

Comme tous ceux qui ont posé le pied sur le sol vietnamien pour la première fois, ma rencontre avec une minorité ethnique a lieu au cours d’un circuit touristique qui nous conduit dans un village typique où les autocars sont cachés dans un parking dissimulé par de grandes haies de bambou pour ne pas dénaturer l’authenticité du lieu. À peine descendus du véhicule, nous sommes assiégés par une meute d’enfants et de femmes, vêtus des habits traditionnels de leur ethnie, qui nous invitent chez eux pour nous faire partager un moment de leur intimité…

Curiosité touristique

Je suis happé par une charmante maman, portant un bébé sur le dos, qui m’entraîne de force vers une maison sur pilotis, où les cochons logés au sous-sol m’accueillent avec des grognements. J’escalade les quelques marches de bois mal équarri pour pénétrer dans la maison au plancher de bambou et au toit de feuilles de latanier.

Un foyer aux braises déclinantes, qui laissent échapper des fumerolles blanchâtres, trône au centre de la seule salle d’habitation. À côté, un hamac balance doucement une grand-mère édentée qui somnole. Dans un angle, un rideau à demi ouvert laisse entrevoir une natte déroulée au sol: sans doute une chambre…

Un coffre en bois et quelques étagères de bambou semblent être le seul mobilier présent dans la pièce. En hauteur, une claie de bambou et d’osier tissé, fixée par un astucieux système de poulie, permet de mettre à l’abri d’éventuels prédateurs, le linge et les denrées fragiles. Tout respire la calme assurance d’un temps qui se déroule hors du monde extérieur. Et pourtant, cette apparente sérénité masque de terribles épreuves à venir.

La première consiste à me faire asseoir en tailleur aux côtés d’un père aux muscles saillants et d’un grand-père qui parle français. Ce n’est pas la compagnie agréable des deux hommes de la maisonnée que je redoute, mais la douleur de mes muscles torturés dans une position qui ne m’est pas naturelle, et que mes cuisses, mes fesses, mon dos et mes genoux détestent particulièrement. Je n’ai jamais été un adepte du yoga, ni de la méditation transcendantale, et la souplesse n’est pas ma principale qualité. Le rictus de souffrance, qui accompagne les craquements de mes articulations tentant de se mettre en place pour éviter le ridicule, semble être reçu comme un sourire de bien-être, puisque mes hôtes m’offrent un verre d’alcool de riz en signe de bienvenue…

Seconde épreuve pour moi qui ne bois pas une seule goutte d’alcool. Comment ne pas vexer mes hôtes, sans rajouter aux douleurs articulaires des douleurs épigastriques et des effets néfastes sur ma santé et mon équilibre? Heureusement, je suis accompagné en l’occurrence par un ami qui ne rechigne pas à goûter aux boissons fortes et fermentées. En trinquant généreusement, il attire sur lui l’attention, me permettant de sauver la face.

Boire du "ruou cân" (alcool de riz fermenté).

Après avoir partagé avec l’aïeul des souvenirs que lui seul avait vécu, s’être extasié devant l’habileté de la maman à manier le métier à tisser permettant de produire les magnifiques tissus ethniques que l’on nous propose à un prix très raisonnable, après avoir acheté trois sacs, quatre écharpes, une veste, deux porte-monnaie, le tout en lin et coton (je n’étais pas encore marié à une Vietnamienne à l’époque), nous rejoignons le groupe des autres touristes, fiers de faire partie de ceux qui ont découvert une peuplade étrange…, de quoi alimenter les conversations de salon et acquérir une notoriété d’anthropologue dans les dîners en ville.

Authenticité ethnique

Depuis, j’ai eu maintes occasions de rencontrer de nombreuses minorités ethniques, dans des villages perdus au fond des vallées, sur des plateaux battus par les vents, sur les crêtes de montagnes ou le long de routes éloignées. J’ai partagé l’eau chaude avec des Muong dans leurs maisons de bois sur pilotis, pendant que les buffles s’ébrouaient sous nos pieds. J’ai marché au soir tombant dans des cimetières H’mông, aux tombes en forme de tumulus avec une petite porte pour que les esprits des morts puissent sortir la nuit. Je ne les ai pas vus, mais j’ai vu les grands étendards chamaniques flotter au vent. J’ai écouté dans les maisons communes aux toits immenses les sons des instruments de musiques des Ba Na.

J’ai fait fuir des enfants Ma qui n’avaient jamais vu d’étranger, en voulant regarder de plus près les grains de maïs rouge qui séchaient dans la cour. J’ai partagé le repas des Brâu, en tentant de faire bonne figure parmi les femmes aux torses nus. Je me suis retrouvé parmi des familles hilares, toutes en tenue d’Adam et Eve, à me baigner comme eux dans un bassin d’eau chaude naturelle, là-bas dans un petit village des Tày, à l’abri du tourisme de masse.

J’ai vu, le long des routes de montagnes, des cohortes d’enfants portant un havresac de cuir ou d’osier tissé, marcher durant des kilomètres pour aller à l’école de la vallée. J’ai rencontré des dizaines de familles fières de me montrer la photo de leur fils ou de leur fille qui apprend à Hanoï, Huê ou Hô Chi Minh-Ville pour devenir ingénieur, médecin ou architecte…

Avec ce sentiment que toutes ces minorités ethniques, avant d’être une vitrine à tourisme, étaient surtout les dépositaires du lien entre nos souvenirs et notre avenir.

Gérard Bonnafont/CVN

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