De blanc et de rouge

Ça y est, le Vietnam devient rouge et blanc pendant quelques jours. Comme chaque année, Noël s'invite pour le plus grand bonheur des enfants.

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À l’approche du 25 décembre, le Père Noël est l’hôte le plus attendu des enfants vietnamiens qui lui ont confié par écrit des cadeaux voulus depuis des semaines.

Certes, l'étranger, qui vient au Vietnam à l'occasion des fêtes de fin d'année, peut être étonné de voir que Noël se fête aussi du côté du fleuve Rouge ou du Mékong. Comment, dans un pays dit tropical, peut-on imaginer sapins blancs et boules de neige ? D'abord, le Vietnam n'est pas si tropical que cela. Ou plutôt, s'il a les pieds au chaud toute l'année, il a la tête plutôt fraîche en hiver.

Il suffit de se promener dans les rues de Hanoï en cette période de l'année pour voir que l'anorak fait partie de la panoplie quotidienne du Vietnamien. Et si d'aventure, vos pas vous conduisent en montagne, vous bénirez l'inventeur du bonnet de laine et des chaussettes de même nature. Qu'on se le dise, le Vietnamien s'emmitoufle quand la bise s'installe. Et si parfois Noël est au balcon, il est plus souvent auprès des tisons qui rougeoient sous la marmite familiale.

Blanc manteau

Certes, il ne suffit pas d'avoir des frissons et les doigts gelés pour être dans l'ambiance de saison et fêter Noël. Il faut aussi de la neige. De la belle neige bien blanche qui tombe à gros flocons, surtout la nuit de Noël, pour masquer le traîneau qui apporte autant de beaux joujoux. Sans doute, le climat a-t-il gardé une âme d'enfant, car depuis quelques années, dans son dérèglement aveugle, il dispense généreusement quelques centimètres de poudreuse sur les monts du Nord.

Pas encore de quoi installer une station de ski, mais suffisamment pour que citadins et gens des plaines viennent y plonger des mains transies, et la piétiner pour la transformer en boue en quelques jours. Heureux bambins que ceux d'aujourd'hui qui peuvent façonner des bonhommes de neige au pays des bananiers. Bien sûr, comme l'hirondelle ne fait pas le printemps, quelques hectares de pellicule neigeuse ne fait pas Noël. Heureusement, dame Chimie se transforme en bonne fée : une bombe contenant un gaz propulseur, un solvant, de la matière plastique en solution, et le tour est joué.

Un spectacle au sujet de Noël 2017 d'une école maternelle à Hanoï.
Photo : Bùi Phuong/CVN

En longues traînées immaculées, la neige artificielle enrobe les aiguilles de sapins, tout aussi artificielles, dessine des étoiles sur les vitrines des magasins, saupoudre de minuscules flocons guirlandes et boules multicolores. Et pour que la fête soit complète, il ne manque plus que le Père Noël. Rondouillard, barbe blanche, manteau rouge bordé d'hermine, hotte sur le dos, il s'affiche partout. Pas un magasin où on ne le voit en devanture, menant ses rennes au milieu des étoiles. En moto, il se multiplie par centaines, sillonnant les rues, avec son bonnet rouge et blanc en place de casque.

Dans les halls des grands hôtels, des grands complexes commerciaux, il trône sous un immense sapin, accueillant ceux qui rêvent de faire un selfie avec le bonhomme. On mettra la photo sous le calendrier. Et comme si cela ne suffisait pas, des milliers d'enfants deviendront lutins de Noël, en se coiffant fièrement de bonnets à pompons rouge et blanc, le 25 décembre.

Manteau rouge

Pourtant, la fête n'est pas sans danger, pour peu que l'on baisse sa garde. J'en ai fait l'amère expérience cette semaine… Ce jour-là, le temps était à l'humidité, et pour sortir, j'avais revêtu ma veste de pluie. Une magnifique veste en gore tex que j'affectionne particulièrement et qui me protège autant du vent que de la pluie. Pour conserver ma tête au chaud afin qu'elle reste froide en toute circonstance, je l'avais coiffé d'un bonnet de laine, souvenir de mes années de ski dans un autre pays. Et comme je ne suis pas un pied-tendre, j'avais enfilé une paire de chaussures montantes pour garder mes pieds au sec.

Enfin, pour finir, voulant avoir les mains libres, je m'étais harnaché d'un sac à dos à armature rigide, empli de divers accessoires qui me seraient utiles dans la journée. C'est ainsi équipé que j'attends l'ascenseur qui doit me transporter du 12e étage au rez-de-chaussée. Signal sonore, la porte s'ouvre et je m'engouffre dans ce qui devient… un "descendeur" puisque je descends.

Au 10e étage, la machine s'arrête, les portes s'ouvrent à nouveau et une mère de famille accompagnée d'un enfant de 4 ans environ, pénètre dans l'habitacle. La descente se poursuit. Le garçonnet est blotti contre sa mère, mais il ne me quitte pas des yeux. Des yeux exorbités qui me dévorent littéralement.

Au 6e étage, nouvel arrêt, nouvelles entrées : deux petites filles avec leur grand-père, cette fois. Regards hypnotisés qui ne me fixent intensément. J'entends des murmures entre les fillettes, et au passage je saisis deux mots en vietnamien : Ông Nô-en ! (Père Noël !). C'est en arrivant au rez-de-chaussée que je réalise. Ma veste est d'un beau rouge flamboyant, nécessaire pour être repéré rapidement par les secours en montagne, mais d'aucun intérêt dans un ascenseur. Mon bonnet est aux couleurs d'une école de ski : rouge et blanc. Ma barbe est naturellement blanche et fournie. Veste rouge, bonnet rouge et blanc, barbe blanche, chaussures montantes, sac rigide sur le dos : le Père Noël est dans l'ascenseur !

Les bambins d'une école maternelle attendent le Père Noël. On voit que le rouge.

À peine sortis de l'ascenseur, les enfants s'empressent d'annoncer la bonne nouvelle en hurlant dans le hall : Ông Nô-en ! Ông Nô-en ! Aussitôt des bambins surgissent de partout : des magasins qui sont en bas de l'immeuble, de l'aire de jeu qui jouxte le bâtiment, du sous-sol et du palier du premier étage. Juste le temps de faire quelques pas, et je suis entouré d'une horde que des parents intrigués ont peine à maîtriser. Même les bébés veulent sortir de leurs poussettes. C'est l'émeute ! Les enfants s'agrippent, demandent aux parents de faire une photo. Un bref instant, je vis ce que vivent les stars dont les fans arrachent les vêtements. Je me vois devenir trophée, suspendu au mur d'une chambre d'enfant, enguirlandé et badigeonné de neige artificielle.

Péniblement, j'arrive à m'extirper de la cohue et je m'enfuis, hotte brinquebalante. J'ai attendu la nuit tombée pour revenir chez moi, en rasant les murs. Joyeux Noël à vous tous !


Gérard Bonnafont/CVN

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