Coronavirus : tester massivement, en théorie oui, mais en pratique ?

"Testez, testez, testez", martèle l'OMS pour combattre le coronavirus. Mais tester qui et pourquoi ? Efficace dans un pays-modèle comme la République de Corée, la stratégie de dépistage massif ne peut pas s'appliquer partout de la même manière en l'état actuel des choses, soulignent des experts.

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Pays et territoires comptant des cas confirmés de nouveau coronavirus, au 24 mars à 19h00 GMT.

Photo : AFP/VNA/CVN

"Pour gagner, nous devons attaquer le virus avec des stratégies agressives et ciblées : tester chaque cas suspect, isoler chaque cas confirmé et retrouver puis placer en quarantaine chacune des personnes avec qui ils ont été en contact proche", a répété lundi 23 mars le patron de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus.

Voilà pour la théorie. Car en pratique, "certains pays ont du mal à avoir la capacité de mettre en œuvre ces mesures offensives", a-t-il reconnu. "Tout dépend du niveau de développement des pays", explique le spécialiste en santé publique et en épidémiologie Antoine Flahault. "La meilleure stratégie dépend étroitement du stade de l'épidémie auquel on se trouve et de la disponibilité des tests", estime de son côté l'épidémiologiste américain Marc Lipsitch, dans une analyse publiée par le Washington Post.

Les tests actuels, dits RT-PCR, permettent de dire qu'un malade est infecté au moment où on les réalise. Basés sur une analyse génétique, ils nécessitent un prélèvement en introduisant profondément un écouvillon (long coton-tige) dans le nez du patient. Le résultat tombe en quelques heures.

Ces dernières semaines, la Corée du Sud a été citée en exemple : campagne massive de dépistage (environ 300.000 tests réalisés), isolement des personnes infectées et traçage technologique (via la vidéosurveillance, l'utilisation de leur carte bancaire ou de leur smartphone) pour retrouver puis tester les gens avec qui elles ont été en contact. Cette stratégie a également payé à Singapour. Cela a freiné l'épidémie et permis à ces pays d'éviter les mesures extrêmes de confinement aujourd'hui adoptées par de nombreux autres, avec de lourdes conséquences sociales et économiques.

Réactifs

"Les tests massifs c'est fantastique en théorie, mais les laboratoires spécialisés ne poussent pas sur les arbres", a toutefois nuancé sur Twitter un spécialiste philippin des maladies infectieuses, Edsel Salvana.

Le patron de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, le 23 mars à Genève.
Photo : AFP/VNA/CVN

Il a même jugé "criminelle" la consigne de l'OMS ("Testez, testez, testez"), qui ne tient pas compte du "contexte" de chaque pays : "J'admire ce qu'a fait la Corée du Sud et je le ferais si nous avions autant d'argent et de ressources. Ce n'est pas le cas, mes collègues portent des sacs-poubelle en guise d'équipement de protection".

Et la difficulté de transposer le modèle coréen ne concerne pas que des pays pauvres. En France ou en Espagne, les tests ont été faits de manière beaucoup plus restreinte. "Pour des pays comme la France ou la Suisse, le problème ces derniers jours était davantage celui de la disponibilité des réactifs que des machines ou des ressources humaines", dit M. Flahault, directeur de l'Institut de santé global à l'Université de Genève.

Selon lui, "de très nombreux pays demandent actuellement à pouvoir faire des tests de RT-PCR et on se trouve face à un engorgement de la demande et des difficultés d'approvisionnement en réactifs". En France, seize organisations de médecins et de labos d'analyses se sont d'ailleurs insurgées mardi 24 mars contre le manque de réactifs (essentiellement fabriqués en Chine et aux États-Unis), voire contre une possible pénurie d'écouvillons.

Pourquoi la Corée et Singapour n'ont-ils pas rencontré les mêmes difficultés ? Car "ces pays ont été exposés aux épidémies de SARS-CoV et de MERS-CoV (provoquées en 2002 puis en 2015 par d'autres coronavirus, ndlr) et en ont tiré des leçons logistiques et économiques fortes", qui leur ont permis d'être mieux préparés et mieux équipés, répond la virologue française Anne Goffard.

Anticorps

"Il faudra réfléchir à notre politique industrielle à l'avenir, peut-être à l'échelon européen", plaide-t-elle, en notant que "l'Allemagne, qui teste beaucoup (elle a une capacité de 160.000 par semaine, ndlr), semble être davantage autonome".

Une personne est testée pour le COVID-19, le 17 mars à Séoul, en République de Corée.
Photo : AFP/VNA/CVN

Ce point est important car pour être efficace, une telle stratégie doit être instaurée rapidement, avant qu'un trop grand nombre de cas ne la rende plus compliquée à mettre en œuvre. Faute d'avoir pu tester massivement la population au début de l'épidémie, la France prévoit désormais de le faire à la fin du confinement.

Cette démarche pourrait être facilitée par l'arrivée de nouveaux tests, dits de sérologie. Plus légers que les tests RT-PCR (une prise de sang suffit), ils n'ont pas le même objectif : ils visent à détecter les anticorps pour déterminer après coup si un individu a été en contact avec le virus, et s'il est donc a priori immunisé. Plusieurs équipes dans le monde travaillent à leur élaboration. "Nous espérons (qu'ils seront disponibles) dans les prochaines semaines", selon le ministre français de la Santé Olivier Véran.

Ces tests pourraient notamment être appliqués "aux personnes qui ne peuvent pas télétravailler, qui sont en chômage partiel" à cause du confinement, assure la chercheuse française Isabelle Imbert. "S'ils sont immunisés, ils peuvent reprendre le travail et l'économie peut repartir progressivement." En attendant, "il est encore un peu tôt pour porter un avis définitif" sur la stratégie de la Corée du Sud et de Singapour, souligne Antoine Flahault. Selon lui, "il faudra évaluer cette approche sur toute la durée de la pandémie et pas seulement sur cette phase initiale", depuis le début de l'année 2020.


AFP/VNA/CVN

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