Chypre : recours croissant à la charité, après des décennies de prospérité

«On n’aurait jamais pensé en arriver là un jour», soupire Chris, venu comme un nombre croissant de Chypriotes chercher un sac de nourriture gratuite dans une église de Nicosie, signe que la crise sociale s’aggrave dans le pays en pleine récession.

Une Chypriote vient chercher une aide alimentaire, à Nicosie le 16 décembre

«Je travaillais comme menuisier, ma femme dans l’agroalimentaire, nous avions deux voitures, une vie facile jusqu’à ce qu’on perde notre travail», il y a quelques mois, explique-t-il. «Aujourd’hui, on s’éclaire à la bougie parce qu’on a même plus de quoi payer l’électricité, et je viens chercher de l’aide ici», une démarche impensable il y a quelques mois dans cette île longtemps prospère.

L’économie de Chypre, après des décennies de croissance alimentée par le tourisme et la finance, a connu deux ans de crise économique puis une brutale crise financière en mars qui a entraîné une diminution drastique de son énorme secteur bancaire.

Le chômage, longtemps aux alentours de 5%, est monté en flèche ces derniers mois, atteignant 17%, un record, et continue à grimper. Nombre de salariés subissent d’importantes baisses de revenus, ainsi que fonctionnaires et retraités dans le cadre des mesures d’austérité destinées à sauver l’île de la faillite.

«Je n’ai pas le choix, plus personne ne travaille dans ma famille» explique Eleni, la cinquantaine énergique, venue chercher à la Croix Rouge un sac contenant huile, pâtes, boulgour, farine et autre denrées de base. Cela l’aidera à nourrir trois de ses fils revenus vivre chez elle car, comme cette ancienne conductrice de camions, ils ont perdu leur emploi.

Aide alimentaire pour près de 6% des Chypriotes

Une fois terminés les six mois d’allocation chômage, un nombre croissant de Chypriotes se résout à demander nourriture ou soins à des associations caritatives qui fournissaient auparavant surtout les nombreux travailleurs immigrés de l’île.

«Depuis mars, le nombre de bénéficiaires chypriotes a explosé», explique Takis Neophytou, directeur de la Croix-Rouge. «Avant nous avions surtout des immigrants. Aujourd’hui, les Chypriotes constituent 50%» des plusieurs milliers de familles aidées par la Croix-Rouge.

Selon un sondage de l’Institut des statisticiens de Chypre, 5,7% de la population, soit 48.000 personnes, dépendent désormais des banques alimentaires qui se sont multipliées à l’initiative de l’église orthodoxe, des municipalités ou d’individus.

La crise a déclenché un élan de solidarité dans l’île encore sous le choc du plan de sauvetage européen de mars, comparé par certains à l’invasion turque de 1974, lorsque des dizaines de milliers de Chypriotes avaient tout perdu du jour au lendemain.

Une association de médecins menant habituellement des missions humanitaires à l’étranger organise ainsi depuis le printemps des consultations gratuites dans cinq villes du pays.

À Nicosie, quelques dizaines de patients viennent chaque week-end au cabinet aménagé par Volunteer doctors dans la vieille ville. Dans la pièce rudimentaire et glaciale en cette matinée de décembre, deux bénévoles soignent les patients à l’aide d’un équipement impressionnant, principalement donné par des cabinets médicaux privés.

«Le docteur a diagnostiqué une pneumonie à ma fille la semaine dernière», explique un père, remerciant chaleureusement pour le traitement de suite. «Je ne peux pas aller à l’hôpital, j’ai perdu mon emploi et donc ma carte d’assuré social. Ici ce sont de bons professionnels, et c’est gratuit».

Outre les dizaines de médecins qui consultent gratuitement le samedi et dimanche, l’ONG, financée par des dons d’entreprises et individus, a un réseau de spécialistes qui acceptent de recevoir bénévolement les patients qu’elle leur envoie.

«Nous soignons 25% d’étrangers, dont beaucoup d’immigrés illégaux, et 75% de Chypriotes, surtout des retraités, des chômeurs et beaucoup d’enfants», explique le Dr George Macriyiannis, dirigeant de Volunteer doctors.

Certains viennent pour consulter à moindre frais sans attendre aux urgences ou parce qu’ils n’ont pas le droit aux soins publics. «Mais pour d’autres, il est même difficile de payer les quelques euros que l’hôpital public réclame depuis deux mois pour chaque acte médical», souligne le cardiologue.

AFP/VNA/CVN

 

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