Ça baigne !

Quel touriste n’a pas un jour cédé aux sirènes de la mer ? Plage ensoleillée, corps baigné par les vagues tièdes, farniente sous le ciel bleu... Aujourd’hui, je vous emmène aux bains de mer, du côté de la Mer Orientale !

En attendant les baigneurs...

C’est pas le tout de dire que le Vietnam est un pays maritime! Il faut dire que lorsque l’on s’étend langoureusement sur plus de 3.200 km, on peut offrir une profusion de plages de sable ou de galets. Avec l’explosion du tourisme, ce sont les coquillages qui ont été surpris de voir arriver sur leur territoire des cohortes de chaises longues, glacières, serviettes de bain, qui accompagnent des humains au curieux comportement !

Sorties de bain

Depuis quelques années, le Vietnam découvre les plaisirs balnéaires et s’y adonne avec une candeur touchante. Si on va à la plage, c’est pour se baigner et s’amuser, pas pour exposer son corps dénudé aux caresses du soleil et aux regards pervers de voyeurs cachés dans les dunes! Donc on se baigne, mais pas n’importe comment…

Si les hommes restent, somme toute, classiques avec le short ou le slip de bain, les femmes offrent un véritable défilé de mode de tout ce qui peut servir comme vêtement de bain. J’en veux pour preuve les baigneuses qui se roulent dans les vagues sous mes yeux. La plupart portent un maillot deux pièces, dont le bas est une charmante culotte-jupette qui les fait ressembler à des petits rats de l’opéra en tutus multicolores. Le haut, quant à lui, est une brassière au moins aussi couvrante que les prudes corsages de nos grands-mamans. D’autres plus pudiques se baignent même toutes habillées, comme cette honorable mère de famille qui plonge dans les rouleaux en pantalon et chemise. Surtout ne lui dites pas que, à sa sortie de l’eau, ses vêtements plaqués sur elle lui confèrent un érotisme que ne désavoueraient pas les fameuses «james-bonds girls» !

Maître-nageur sauveteur !

Laissant à ces naïades le plaisir de plonger dans les vagues, je décide de plonger dans un livre, en profitant du confort de ma chaise longue. Soudain, un violent courant d’air sur mon visage m’incite à lever les yeux vers un drapeau à croix rouge qui s’agite violemment devant moi. Au bout du drapeau, un individu qui détonne particulièrement sur cette plage. Alors qu’ici, la superficie textile qui recouvre les corps est plutôt réduite, la sienne est particulièrement fournie: chemise à manches longues fermée jusqu’au col, pantalon long recouvrant une paire de chaussures noires à épaisse semelle de crêpe, desquelles dépassent des chaussettes de laine ! Sans doute cette personne a-t-elle trop chaud, aussi est-ce pour cette raison qu’elle agite ce drapeau si vigoureusement en guise d’éventail ? Et bien, non ! J’ai tout simplement devant moi un des surveillants de la plage en costume de travail, comme je le constate en découvrant deux autres personnes uniformisées comme lui. Habitué que je suis à voir, en Occident, des surveillants de plage en maillots de bain, bronzés et musclés, et prêts à plonger au péril de leurs vies pour sauver de la noyade tout baigneur imprudent, je m’interroge sur l’efficacité de ce curieux ange gardien…

Tous à l’eau !

Et je m’interroge encore plus sur son comportement, d’autant que parallèlement à son agitation psychomotrice, il entreprend un exercice d’amélioration de capacité pulmonaire, qui consiste à souffler dans un sifflet de façon violente et prolongée. Je me dis que tout de même, cette personne a l’air raisonnable et que son agitation doit avoir une cause. Cause que je découvre très vite en regardant dans la mer. L’aire de baignade est délimitée par des bouées, dont le rôle est d’indiquer aux baigneurs la limite à ne pas dépasser sous peine d’être en danger. Limite toute virtuelle d’ailleurs, car la quasi-totalité des baigneurs s’entassent sur une distance de 10 m de la plage. Le Vietnamien est un nageur de fleuve, pas de mer, et il ne se risque guère là où il n’a plus pied. Seulement, aujourd’hui, un audacieux a décidé d’aller jusqu’aux bouées, déclenchant ainsi l’alerte générale chez les surveillants de plage. Devant l’importance des vagues, ils signifient à l’impudent, par force mouvements de drapeaux et coups de sifflets, de revenir immédiatement sur la plage. Lequel continue à avancer vers les bouées, ignorant totalement l’essoufflement salvateur du terrien.

Vague estimation !

Et pour cause, il s’agit d’un de mes amis français qui, ignorant totalement cette coutume du drapeau et du sifflet, continue à faire ce qu’il sait fort bien faire : nager. Je m’approche du surveillant qui frise l’apoplexie, en lui expliquant que c’est mon ami qui nage là-bas, et que de toute façon il n’a pas encore atteint les bouées, et que donc il est toujours dans la limite autorisée. Logique cartésienne égoïste qui explose face à la logique confucéenne altruiste. «Faut revenir parce que les vagues sont grosses !». «Elles ne sont pas grosses, en France elles sont plus grosses ! Ce n’est pas dangereux!». Devant son regard effaré, je comprends soudain que la limite de la baignade, ce n’est pas les bouées, c’est le niveau d’angoisse du surveillant, proportionnel à sa perception de la hauteur des vagues, en fonction de critères basés sur sa relation personnelle avec l’élément aqueux. En d’autres termes, «si j’ai peur de me baigner, les autres ne devraient pas se baigner ! Et c’est moi qui décide de la distance jusqu’à laquelle on peut nager».

Après le maître-nageur, je découvre le maître-nageur ! Comprenant que cet homme ne fait que son devoir : s’inquiéter de la sécurité des baigneurs, je le rassure en lui affirmant que mon ami est étranger et qu’il a l’habitude de nager en mer pendant des kilomètres (ce qui est vrai) dans l’Océan Atlantique où les vagues sont trois fois plus grosses qu’ici. Mon assurance et le fait que mon ami, ayant enfin atteint les bouées, fait demi-tour, paraissent le rassurer…

En retournant à ma place, je ne peux m’empêcher d’éprouver de la compassion pour ces jeunes qui restent toute la journée sur le qui-vive, dans leur uniforme trop chaud, se préoccupant uniquement du confort et de la sécurité des familles.

Chapeau bas messieurs, mon impertinence est à la hauteur de ma considération pour votre dévouement à la cause du tourisme balnéaire !

Gérard BONNAFONT/CVN

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