Bon sens et humour paysans

Le Vietnam reste un pays essentiellement agricole. Ses paysans d’autrefois étaient remarquables par leur bon sens et leur humour. Ces derniers, on les trouve à travers le chèo, les proverbes et les ca dao.

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Paysans travaillant aux champs.
Photo : CTV/CVN

Le chèo - opéra populaire - est né dans le delta du fleuve Rouge, qui fut le berceau de la culture Viêt. Dans la pièce sur Tu Thuc, lettré à la recherche du Pays des Fées, le domestique fait la satire du Shangri La dont rêve son maître. Dans la pièce sur Quan Âm Thi Kính, une bonzesse consacrée Bodhisattva (Dame de la Miséricorde aux 1.000 yeux et 1.000 mains), le bouffon trône sur l’autel, ferme les yeux, joint les mains pour imiter Bouddha en pleine contemplation. Mais dès qu’il entend quelqu’un en bas lui demander : "Veux-tu prendre femme ?", il saute de l’autel pour ne pas rater l’aubaine.

"Quan Âm Thi Kính", un des chefs-d’œuvre immortels du "chèo".

Le Vietnamien n’est pas un animal métaphysique. En toutes choses, il veut garder l’échelle humaine, le solennel et le grandiose sont étrangers à sa nature. Son bon sens, sens commun, sens pratique, débouche sur l’humour, la satire sociale. Il lui permet de garder son optimisme à travers les vicissitudes d’une histoire parfois tragique.

Voici quelques proverbes illustrant le bon sens et l’humour d’un peuple de paysans :

"Mandarin voyant procès est fourmi lorgnant du lard".
"Voulez-vous être injuste, faites-vous mandarin".
"Il suffit d’avoir de l’argent pour qu’on écoute vos sottises".

De même dans les ca dao (chants populaires) :

"Gardez-vous de prendre pour mari un étudiant,
Quel dos long ! Il faut beaucoup d’étoffe pour le vêtir,
Le jour, il flâne avec des livres sous le bras,
Le soir, il prend la lampe et veille… seul".

Les privilégiés sont la proie toute désignée des ca dao :

"Pauvre, personne ne te connaît
Premier au concours mandarinal,
Tu auras aussitôt plus de neuf mille amis".

L’humour se mêle parfois à l’amertume pour dépeindre le sort des femmes concubines :

"Quel malheur d’être concubine
Repiquage, labour, et la nuit sans mari,
Toute seule, sans natte avec le froid qui mord".

Et même au désespoir chez la veuve qui doit attendre trois ans, le temps du deuil, pour pouvoir se remarier :

"Veuve, telle une barque à la dérive,
Je pleure sur mon sort, et dans la chambre vide, je dois attendre trois ans.
Le vent souffle et les bambous meurent, que restera-t-il du printemps ?"

Le peuple se moque aussi des bonzes :

"Le bonze est en prière +Na Mô+
Passe une belle, panier en main,
Qui s’en va à la pêche aux crabes
Le cœur du bonze s’emplit de rêve
Il laisse là le livre saint et court après la demoiselle
Par quel chemin est-elle passée ?
Et notre bonze va et vient en égrenant son chapelet".
La révolte parfois souffle :
"Le mandarin passe, le peuple demeure".

ou

"Cent ans usent les stèles de pierre,
Mille ans n’affectent en rien les stèles verbales".

La plupart des contes égrillards expriment la sagesse du peuple qui décoche ses flèches contre des travers d’autrui.

Huu Ngoc/CVN
(Mai 1993)

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