Boissons à volonté

Les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Avec le cycle des saisons, il a le cycle des habitudes. L'été s'installe, c'est le moment de retrouver certains réflexes.

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En été, les échoppes de jus de fruits frais ont poussé comme des champignons dans les grandes villes vietnamiennes.

Dans certains pays, il en est de la météo comme de la circulation. Dès que la température grimpe déraisonnablement ou qu'elle dégringole éperdument, on s'inquiète et on allume les feux tricolores : alerte jaune, orange ou rouge. On ne se met au vert que quand le mercure stagne au niveau intermédiaire, là où il ne fait ni trop chaud, ni trop froid.

Dans un pays comme le Vietnam, les fortes chaleurs de l'été ne sont pas de nature à faire clignoter les signaux, sauf à ce que les caprices du ciel qui en résultent ne noient les hommes sous des trombes d'eau. Vivre dans un pays chaud implique de s'adapter et de prendre certaines habitudes… pas toujours déplaisantes.

Tirer la langue ou la languette

Boire comme un trou ! Jamais l'expression n'est aussi d'actualité quand arrivent les beaux jours. L'être humain est constitué de 65% d'eau, et pour rester en bonne santé, il a tout intérêt à conserver cet équilibre. Donc, sauf à se faner quand le mercure se sent des ailes, il faut s'imbiber régulièrement. De quoi faire la joie des limonadiers, cafetiers et producteurs d'eau potable. À la maison, commence la noria des livraisons de bidons d'eau, ces grosses bonbonnes en plastique qui se posent sur meuble de cuisine ou sur une fontaine rafraîchissante.

C'est aussi la période où je me casse les ongles régulièrement. En effet, l'eau s'écoulant d'un récipient sous l'effet de la pression de l'air, si l'air ne pénètre pas dans le récipient, je pourrais sécher sur place, verre sous le robinet, sans obtenir une seule goutte à avaler. C'est pour cela que l'astucieux fabricant de ces châteaux d'eau portatifs a percé le bouchon d'un trou suffisant pour laisser entrer un filet d'air.

Par grosse chaleur, couleurs, douceurs et fraîcheur.
Photo : Gérard Bonnafont/CVN

Mais pour garantir la potabilité et l'hygiène du contenu, le trou est obturé par un opercule qu'il faut retirer avant de se servir. Lequel opercule est protégé par une capsule de plastique souple qu'il convient de déchirer. Qui n'a jamais tenté de défaire cette merveilleuse protection de sécurité ne peut pas comprendre l'énervement qui nous gagne à trouver la petite languette sur laquelle on doit tirer pour ouvrir cette capsule. Dans 90% des cas, la languette fait de la résistance, refuse de se désolidariser de sa capsule. Elle se cramponne, veut rester à son poste.

Les doigts glissent, les ongles se tordent, les mains de l'assoiffé deviennent moites, rendant encore plus périlleuse la saisie. Quand enfin, après une lutte où, malgré les ongles abîmés, la victoire revient à l'humain, c'est l'opercule qui s'y met. Glisser l'ongle dessous, faire levier pour faire sauter l'obstacle, une épreuve redoutable que les manucures guettent avec gourmandise, préparant déjà faux ongles et vernis. Heureusement que pour sauver la face, je n'éprouve pas le besoin de laisser pousser l'ongle de mon auriculaire ou de mon pouce à des dimensions hors du commun, justifiant ainsi de mon travail d'intellectuel en opposition aux basses besognes de celui qui travaille la terre.

Jusqu'à plus soif

Ne pas se déshydrater, c'est aussi boire le plus souvent possible. Et comme on ne peut pas transporter sa bonbonne de plusieurs litres avec soi, l'homme en soif d'étanchement de la sienne a inventé la bouteille à anse. Cette bouteille fait partie de la panoplie du parfait touriste. D'une contenance d'un litre et demi, en général, elle se promène à côté des promeneurs qui baguenaudent dans les rues aux heures chaudes. Munie d'une petite anse en plastique, qui enserre le col de la bouteille, elle est destinée à mettre le goulot à portée de la bouche à tout moment. Pratique sans doute, mais pas confortable pour autant, sauf à se vider la moitié du contenu dans le gosier très rapidement.

En effet, l'étroitesse de l'anse implique de n'y glisser qu'un ou deux doigts, au détriment des phalanges qui doivent supporter à elles seules un kilogramme et demi quand la bouteille est pleine. Certes, si on ne veut pas se faire scier les doigts, il existe la solution de faire des haltes fréquentes dans les nombreux estaminets qui proposent trà đá (thé glacé) et jus de fruits. Quel plaisir, après avoir goutté sous le soleil, que de s'asseoir à l'ombre d'une tonnelle ou dans le fond d'une salle climatisée pour déguster un jus de mangue ou d'ananas maison.

Dernièrement, les échoppes de jus de fruits frais ont poussé comme des champignons. On les reconnaît à leurs vitrines où des fruits peu pressés d'être pressés s'entassent les uns contre les autres : goyaves, oranges, pommes…, des légumes même s'offrent à notre appétit de vampire : carottes, concombres, avocats. Le verger et le potager dans notre verre.

Le trà đá, boisson populaire des Vietnamiens.

Bien sûr, il y a les inconditionnels du trà đá, ce thé vert où les glaçons fondent de bonheur au fil de la conversation. Le trà đá est un peu à la roture ce que l'aristocratie est au jus de fruit. Le premier se boit, le second se sirote. Contrairement au jus de fruit, déguster un trà đá, c'est de s'exposer en public, sur les tables et les tabourets de trottoirs plutôt que dans une ambiance feutrée.

Le jus de fruit est discret, le trà đá truculent. Cette boisson, c'est un peu le cousin de la bière pression, la bia hoi. Celle que l'on sert au litre, par pichet généreux que l'on commande à volonté. Elle aussi est une fille de la rue, bonasse et pas farouche qui se laisse lamper à petits coups, au milieu des concerts de klaxon et des cris des marchands ambulants. Elle a souvent pour compagnes des graines de tournesol que l'on dépiaute délicatement avant de les croquer du bout des canines, ou encore des cacahuètes à la robe en lambeaux que l'on enfourne à poignée.

On dit qu'il faut boire environ deux à trois litres par jour quand il fait chaud. Quatre-vingt-dix millions de Vietnamiens, à peu près, plus les immigrés, les expatriés temporaires et les touristes : près de 200 millions de litre par jour. De quoi se noyer en pleine sécheresse.


Gérard Bonnafont/CVN

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