Attention: contes pour enfants

Au Vietnam, comme partout dans le monde, les enfants aiment qu’on leur raconte des histoires pour s’endormir. Mes filles n’échappent pas à la règle, surtout si ce sont des histoires à dormir debout.

>>D'aventures en aventures

>>Chaud devant!

>>Bonjour voisine!

Raconte-moi une histoire! On sait quand ça commence, on ne sait pas quand ça finit.
Photo: Hoàng Phuong/CVN

Ma fille aînée n’a pas encore repris l’école. Et du haut de ses 12 ans, elle prend le rôle de conteuse auprès de sa jeune sœur.

Lové dans un fauteuil en bambou, qui est le seul point commun entre Emmanuelle et moi (comprenne qui pourra!), je les observe, tête aux longs cheveux de jais contre tête encore recouverte d’une chevelure diaphane de bébé. Tandis que la petite dévore, au propre comme au figuré, le vieux livre de contes, cent fois lu, cent fois raconté, la grande essaie de l’intéresser à des histoires que je ne connaissais pas avant de venir m’installer au Vietnam.

Là d’où je viens, dans les histoires, il y a des loups, des bergères, des princes (ou l’inverse), et, en général, à la fin du conte, les héros participent allègrement au développement démographique, en ayant beaucoup d’enfant.

Au Vietnam, c’est… un peu différent. Approchez et écoutez!

Beau début

Comme toujours dans les contes, tout commence par "Il était une fois..."

Il était une fois, deux frères qui se partagèrent un héritage, à la mort de leurs parents. L’aîné, cupide et avare, s’empara de tous les biens et laissa à son cadet et à sa femme seulement une paillote délabrée et un carambolier rabougri, mais aux fruits juteux. Mais ces deux époux cadets ne s’en plaignaient guère et se contentaient de ce maigre avoir. Ils prenaient soin de leur carambolier et l’arrosaient sans cesse de manière que l’arbre reprit vigueur et porta une quantité de fruits. Quand les caramboles commencèrent de mûrir, un corbeau d’une taille extraordinaire vint chaque matin en manger. Et, impossible de le chasser: cris, jet de pierres, agitation des bras, rien n’y faisait.

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Il faut toujours
se méfier avec ce que
l’on raconte aux enfants.

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L’épouse navrée se lamentait: "Malheur à nous. Pauvres que nous sommes. Nous comptons beaucoup sur ce que nous rapporte le carambolier et voilà que l’oiseau ravage tout. Nous connaîtrons probablement la faim".

Miracle! Le corbeau entendit les lamentations, se pencha et répliqua d’une voix d’homme: "Des caramboles je mange, de l’or je rends. Munissez-vous d’un sac de trois livres et suivez-moi pour en chercher".

Apeurée, la femme se précipita dans la chaumière pour chercher son mari. Ils se concertèrent et décidèrent de coudre le sac suivant la mesure indiquée.

Quelques jours plus tard, l’oiseau revînt, mangea tout son soûl de caramboles puis descendit de l’arbre pour inviter l’époux à prendre place sur son dos avec le sac. Puis, ils disparurent ensemble à l’horizon.

Effrayé, le cadet ferma les yeux. L’oiseau le transporta très loin avant d’atterrir sur une île déserte, remplie de pierres précieuses. Libre d’en prendre autant qu’il pût. Il remplit son sac et le corbeau le ramena chez lui.

À dater de ce jour, le couple connut l’abondance et vivait comme des princes. Mais, loin d’être égoïste, il venait souvent en aide aux pauvres. À l’occasion de la commémoration de la mort de ses parents, le couple invita l’aîné à venir chez lui. Plein de mépris pour le cadet, l’aîné chercha un prétexte pour se dérober et exigea que si le cadet voulait le recevoir, il devait tapisser le chemin de nattes et dorer le portail.

Triste fin

Le cadet, respectueux de son aîné, s’exécuta selon le vœu de ce dernier. Celui-ci et son épouse furent surpris devant la richesse du couple cadet. Curieux, l’aîné chercha habilement à comprendre le mystère. Son cadet, honnête et franc, n’hésita pas à lui raconter l’histoire du corbeau géant qui l’avait emmené chercher des pierres précieuses. Le couple aîné proposa d’échanger sa fortune contre seulement la paillote et le carambolier juteux. Les cadets obtempérèrent.

Un jour, le corbeau revint manger des caramboles et fit la même recommandation: un sac de trois livres pour aller chercher de l’or. L’aîné, cupide et curieux, emmena deux gros sacs de six livres chacun et, une fois sur place, les remplit de l’or. Sur le chemin de retour, plié sous le poids démesuré de ces deux sacs, l’oiseau, qui n’en pouvait plus, chavira et l’aîné fut balancé dans la mer et s’y noya.

À chaque fois que j’entends cette histoire, j’ai un frisson rétrospectif, en me remémorant l’époque où ma fille croyait encore aux histoires… Nous passions des heures sous les caramboliers du jardin de ma belle-famille, à attendre qu’un oiseau réponde aux injonctions d’une petite fille de 4 ans, qui voulait donner de l’or au monde entier! En guise d’or, nous recevions abondamment les déjections des volatiles gourmands!

Les enfants vietnamiens aiment bien "La légende du lac de l'Épée restitué".
Photo: ST/CVN

D’ailleurs, il faut toujours se méfier avec ce que l’on raconte aux enfants. Combien de fois ai-je dû rattraper, par la ceinture, ma fille qui voulait aller à la rencontre de la tortue au fond du lac Hoàn Kiêm, au cœur de Hanoï, pour la remercier d’avoir prêté son épée au roi Lý Thái Tô? Combien de fois ai-je dû la ramener manu militari, alors qu’elle cuisait au soleil, au bord de la mer, attendant de voir apparaître la grande roue à sel qui tourne éternellement? Et je ne parle même pas de toutes les fois où j’ai dû lui expliquer que non, on ne peut pas adopter un phénix, et que oui, la maison est bien trop petite pour accueillir un dragon!

Je croyais en être sorti depuis qu’elle se passionne pour des princesses de glace, dont je sais qu’elle ne peut pas me demander de les inviter à goûter, la glace se limitant à des glaçons au Vietnam… sauf si j’ai la malheureuse idée de lui faire découvrir les montagnes enneigées de mon pays natal.

La petite s’est endormie sur le livre d’image, la tête en plein sur sac de pierres précieuses. Je la prends délicatement pour lui faire rejoindre un oreiller plus doux, tandis que la grande referme le livre, fière du travail accompli!


Gérard BONNAFONT/CVN

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