Afghanistan
 Entre combats et corruption, la laiterie Milko creuse son sillon

Les pots à lait en métal ficelés aux motos luisent au soleil couchant d'Arghandab, district rural du sud de l’Afghanistan, et tintent sous les secousses. Des fermiers viennent approvisionner la laiterie Milko, qui continue à se développer malgré la violence et la corruption environnantes.

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Des fermiers viennent apporter leur production de lait dans un centre de collecte de l'entreprise Milko, à Kandahar, le 30 septembre 2020.
Photo : AFP/VNA/CVN

Ils déposent à ce point de collecte le lait nécessaire à la fabrication du beurre, des glaces, des puddings, des laits parfumés qui ont fait la réputation de cette petite entreprise, dont les emballages aux coloris vifs essaiment dans toute la région.

Depuis sa création en 2011, Milko est passée de 12 vaches à 250 possédées en propre, et de quatre produits vendus à une trentaine, créant au passage des centaines d’emplois dans la province de Kandahar.

Elle achète du lait à près de 600 fermiers, dont elle a changé la vie. "Le gouvernement ne nous a pas aidés, mais cette entreprise nous a beaucoup aidés", explique l'un d'eux, Nesar Ahmad, 35 ans.

"Certains fermiers qui n’avaient pas de maison en ont maintenant une", raconte celui-ci, qui sans la laiterie ne serait pas en mesure de vendre le lait de ses deux vaches.

Pour faire survivre Milko, son propriétaire Ghami Mia a cependant dû braver bien des dangers et composer avec tous les acteurs d'un conflit qui dure depuis 2001.

"Les talibans prennent seulement leurs taxes, mais le gouvernement en plus des taxes prend aussi nos produits", déplore-t-il, assis à son bureau dans une zone industrielle de la ville de Kandahar, à une dizaine de kilomètres d'Arghandab.

Les talibans imposent des taxes fixes et, une fois qu'elles sont versées, ne reviennent pas à la charge. "Ils font attention de collecter les taxes d’une manière qui n’aliène pas les civils", souligne Ashley Jackson, chercheuse pour le groupe de réflexion Overseas Development Institute (ODI).

Fatalisme

Des employés remplissent des bouteilles de lait dans l'entreprise Milko à Kandahar, le 30 septembre 2020.

Avec sa barbe rasée de près et son sourire affable, M. Mia n'est nullement un sympathisant des talibans, seulement un homme d'affaires pragmatique qui souhaite faire avancer un pays qu'il aime.

"Je veux continuer de vivre en Afghanistan, et travailler ici. Je ne veux pas partir et investir à l’étranger", soutient-il.

La laiterie ravitaille des villes parmi les plus dangereuses du Sud afghan, comme Zabol, Ghazni et Lashkar Gah, enserrées dans des territoires talibans. Khan, 21 ans, chauffeur depuis six ans pour Milko, sait tout des dangers qui l'attendent sur ces routes.

Mais plus que les combats, c'est la police locale qu'il redoute. "Ils me créent des problèmes, me demandent de l’argent (...) et si je n’en ai pas, ils veulent (me prendre) mes marchandises", s'indigne-t-il. Comme lui, 81% des Afghans voient dans la corruption un "problème majeur", selon une enquête de l'Asia Foundation datée de 2019.

M. Mia doit aussi s'accommoder du manque d'électricité et de main-d'œuvre qualifiée, ou encore des régulations de la filière laitière imposées par le gouvernement.

Même s'il dit ne pas faire de bénéfice, il continue à agrandir son entreprise. Mais la sécurité fait constamment planer une ombre sur l'avenir de Milko.

La collecte de lait a dû être interrompue à Arghandab en novembre, quand les talibans, lancés dans une offensive générale dans la province de Kandahar, ont brièvement pris le contrôle du district. Ailleurs, d'autres points de vente, définitivement rendus inaccessibles, ont dû fermer.

"Si la situation persiste, nous serons forcés de mettre la clef sous la porte", se désespère M. Mia. Avant de refuser de céder au fatalisme. "Mais nous ne pouvons pas laisser tomber nos fermiers, fermer l’entreprise, et avoir fait tous ces efforts pour rien".


AFP/VNA/CVN

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