À pied, sur la piste Hô Chi Minh

Deux Français deviennent les premiers Occidentaux à reconstituer à pied la piste Hô Chi Minh. Ils sont arrivés à Hô Chi Minh-Ville, après 2.000 km de marche à travers 3 pays. Un périple historique.

À 32 ans, Cécile Clocheret et François Picard deviennent les premiers Occidentaux à reconstituer à pied la Piste Hô Chi Minh, l'axe de résistance qui permit aux forces de libération du Vietnam de l'emporter dans le Sud, en y faisant transiter armes, munitions, essence, vivres, médicaments, etc. Les 2 Français ont parcouru près de 2.000 km en 4 mois sur un terrain difficile. La piste Hô Chi Minh passait en effet par des régions montagneuses remplies par la jungle, autant d'obstacles géographiques permettant aux bô dôi (soldat) de se camoufler des avions américains qui tentèrent en vain de couper la piste, la bombardant de facon intensive.

François Picard et Cécile Clocheret n'essayent pourtant pas de réaliser un exploit sportif ou de figurer dans le livre des records. Leur objectif est d'aller à la rencontre des habitants des régions qu'ils traversent et de relever, aujourd'hui, si des vestiges de cette piste existent encore. Ce périple, qui les fait entrer dans l'histoire, a pu se faire grâce aux soutiens français de la Bourse Expé et de la ville de Clamart.

Fêlés les 2 amoureux ? Sûrement un peu, mais loin d'être inconscients car ils n'en sont pas à leur premier coup d'essai. En 2006, Cécile Clocheret a ainsi traversé Madagascar à pied avec une amie. Une aventure de 4 mois dont elle a tiré un film, L'île rouge pas à pas. Quant à François Picard, après une enfance ballottée entre le Cameroun et le Texas, il crée en 2003 à Paris Culture-aventure, une association qui promeut une manière de voyager "hors des sentiers battus". Une devise qu'il a faite sienne lors de ses périples à vélo de l'Ukraine à l'Ouzbékistan, en Chine sur la Route de la soie, ou encore entre le Pakistan, l'Inde et le Bangladesh. Voyages dont il a tiré 2 films, des diaporamas ainsi qu'un livre. Cécile et François, qui avaient jusque là l'habitude de voyager avec leurs amis, ont cette fois tenté l'aventure en couple. "Nous nous sommes rencontrés il y a 2 ans, nous avons eu très vite envie de partager ce genre de voyage ensemble", confie Cécile.

Parcourir à pied l'ancienne Indochine 3 décennies après les terribles conflits qui la secouèrent, longeant un chemin qui changea le destin de millions d'individus, c'était pour eux l'occasion de revenir sur une histoire qui ébranla toute une génération, tous continents confondus.

Les 2 aventuriers naissent en 1976, l'année de la réunification du Vietnam. Depuis plus d'une décennie, les "peace and love" fleurissent de Londres à Washington. Dans l'ex-Indochine, la guerre du Vietnam fait rage, le Laos atteint le triste record du pays le plus bombardé au monde et le Cambodge tombe aux mains des Khmers rouges sur le point de perpétrer les pires atrocités.

Un voyage transindochinois

Entre ces pays voisins, un réseau de sentiers se façonne au fil des ans, au point de devenir un tissu poreux entre les différents peuples : la piste Hô Chi Minh.

C'est cet axe qu'ils arpentent pas à pas, du Nord au Sud, de Hanoi à Hô Chi Minh-Ville au Vietnam, en pénétrant les terres lao et cambodgienne, comme les soldats de la résistance.

C'est au mois de juin 2009 que commence l'aventure, à Tân Ky (à environ 250 km au sud de Hanoi, dans la province de Nghê An, Centre) où figure une stèle annonçant le kilomètre zéro de la piste Hô Chi Minh. De bonnes chaussures de marche aux pieds, une dizaine de kilos sur le dos, ils partent d'un pas décidé vers un destin extraordinaire. Les stèles commémorant la piste sont alors nombreuses, tout comme les monuments aux morts qui rappellent le carnage de ces années de guerre. À Dông Lôc, ils brûlent quelques bâtons d'encens en hommage aux jeunes filles volontaires, mortes sur la piste. Héroïnes, elles étaient autant sollicitées que les hommes pour transporter, en sandales, les ravitaillements pour la guérilla.

Il ne reste parfois plus rien des sentiers de la piste Hô Chi Minh, à nouveau envahis par la végétation. Cécile Clocheret et François Picard doivent alors se les frayer eux-mêmes, notamment à travers la chaîne du Truong Son. Ils traversent montagnes, mais aussi rizières, sentiers de traverses, coupent la route 15, se perdent... Ils rejoignent la côte à la mi-juillet et visitent le réseau de tunnels de Vinh Môc. Construits dans le but d'échapper aux bombardements aériens, ils constituaient un accès précieux vers la mer, facilitant le ravitaillement par bateaux.

Les aventuriers franchissent ensuite l'ancienne frontière Nord-Sud, le fameux 17e parallèle, puis pénètrent de nouveau à l'intérieur des terres. Ils rejoignent le Laos où les soldats vietnamiens passaient, en espérant ainsi échapper aux feux des B52 américains. Ce sera en vain car le Laos devient alors la cible privilégiée des bombardements. Cécile Clocheret et François Picard connaissent des journées particulièrement difficiles. Dans la jungle, ils doivent effectuer bien souvent leurs 25 à 30 kilomètres quotidiens sur des pistes boueuses et sous une pluie battante. Les seuls habitants qu'ils croisent appartiennent à des ethnies minoritaires vivant dans des maisons dont les pilotis sont des ogives américaines trouvées dans la forêt. En marge de la civilisation moderne, ils vivent en autarcie, de chasse, de culture sur brûlis et de troc. Les trekkeurs trouvent sur leur chemin quelques stèles rappelant que la piste Hô Chi Minh passait bien dans cette région. La jungle et la forêt sont encore parsemées d'engins non-explosés et le pays mettra encore plusieurs décennies avant d'en être débarrassé.

Fin août, les explorateurs retournent au Vietnam par Plei Kan et longent la frontière cambodgienne pendant une semaine. Sur cette piste, loin de tout, ils découvrent avec excitation une stèle rendant hommage à la piste Hô Chi Minh. Régulièrement, ils montrent passeports et visas aux militaires de la région.

La marche reprend pour eux à la frontière du Cambodge, pays qui a lui aussi payé un lourd tribut pendant la guerre. Ils sont à nouveau plongés dans une forêt dense dont les exploitants forestiers ne sont pas encore venus à bout. Les difficultés atteignent leur paroxysme. Ils doivent relier des villages sur des chemins pour charrettes à zébus. La pluie ne s'arrête pas, les chemins sont inondés, ils marchent dans l'humidité pendant des jours. Ils doivent même franchir une rivière où ils n'ont pas pied.

La fatigue, les séquelles physiques et une certaine démotivation s'installent. Cela fait déjà presque 3 mois qu'ils sont partis, ils rejoignent donc la capitale cambodgienne, Phnom Penh, pour se reposer quelques jours. Ils repartent alors de Kratié, pour explorer un autre tronçon de la piste.

Les marcheurs rejoignent une dernière fois le Vietnam fin septembre. Ils atteignent Tây Ninh avec difficulté : le pied de François Picard souffre d'une infection. Les kilomètres à marcher dans l'eau, à manger très peu, ont affaibli les organismes des 2 Français. Ils prennent le bus pour Hô Chi Minh-Ville afin de se faire soigner. Après une semaine de convalescence, ils rejoignent à nouveau Tây Ninh. En plus d'être beau et téméraire, le couple est têtu. Il n'oublie pas que son objectif est de parcourir intégralement la piste Hô Chi Minh à pied.

Ils effectuent un détour et viennent à bout des 986 mètres de la montagne Bà Den, explorent les tunnels de Cu Chi et atteignent enfin Hô Chi Minh-Ville le 11 octobre. Ils sont allés au bout de leur rêve ! Comblés par des rencontres passionnantes, des témoignages émouvants, et touchés par la générosité des peuples de la péninsule, ils ont largement de quoi nourrir les nombreuses conférences qu'ils prévoient à présent de faire en France. Un livre est aussi en projet...

Cécile Clocheret/CVN

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