Un jeu traditionnel oublié

Le «jeu de balle cultuel» (vât câu) est propre au village de Dông Phi, en banlieue de Hanoï. Les règles du jeu, très précises, veulent que les joueurs, torse nu, se disputent la balle pour la jeter dans deux trous creusées dans la cour de la maison communale.

>>À la découverte de jeux populaires au Musée d’ethnographie du Vietnam

>>Fêtes du printemps des minorités ethniques

>>Les fêtes villageoises, le moment fort du printemps

+Vât câu+ est un jeu traditionnel associé aux us et coutumes du village de Dông Phi, en banlieue de Hanoï.
Photo : CTV/CVN

Un ami, chercheur au ministère de la Culture, m’a répété : «Ne rate pas cette occasion. Cela fait soixante ans que personne n’a vu ce jeu».

C’est ainsi que vers 09h00 du matin du 4e jour du Têt de l’Année du Dragon (en 2000), avec des amis suédois, américains et allemands, je prends un car pour aller au village de Dông Phi, à une trentaine de kilomètres de Hanoï.

Nous sommes impatients de voir le «jeu de balle cultuel» tombé dans l’oubli depuis plus d’un demi-siècle et rétabli(1) dans cette région de rizières submergées (ruông chiêm) dans le delta du fleuve Rouge.

Le village, situé au bord de la route provinciale 75B, est divisé en trois hameaux. Il ressemble à un phénix, oiseau sacré.

Procession des palanquins sacrés

Vers 10h00, notre car doit s’arrêter à une centaine de mètres de la maison communale de Dông Phi. Nous nous mêlons à la foule qui envahit la route pour assister à la procession des palanquins sacrés. Ces derniers font lentement le tour du village puis reviennent au point de départ, avec la participation des trois villages jumelés Dông Phi, Nguyên Xa et Ngoc Dông, aujourd’hui réunis dans la commune de Phuong Tri.

Les danseurs du Dragon ouvrent la marche. Le cortège défile selon des rites solennels, comprenant de nombreux groupes vêtus de costumes différents : porteurs d’oriflammes ou d’armes cultuelles, orchestre traditionnel à huit instruments, préposés à la cérémonie du sacrifice, jeunes filles, pionniers. On compte quatre palanquins : celui contenant un brûle-parfums, deux chandeliers et un vase à fleurs, celui transportant le trône et la tablette honorifique du Génie du Sol, celui transportant le trône et la tablette honorifique du Génie protecteur du village honoré à la maison communale ou dình. En des endroits déterminés, le principal palanquin fait des figures commandées par l’usage.

Les règles du jeu, très précises, veulent que les joueurs, torse nu, se disputent la balle pour la jeter dans deux trous creusées dans la cour de la maison communale.
Photo : CTV/CVN

Les palanquins traversent enfin le portique à trois entrées du dình pour s’arrêter devant le hall des cérémonies (bái duong). La cérémonie du sacrifice dure plusieurs heures et comprend toute une série de rites d’offrandes : encens, alcool, fruits, fleurs. Excepté le vieillard chargé de réciter l’oraison au Génie, les officiants sont des femmes ceintes d’un turban jaune et habillées de jaune. Les femmes sont acceptées dans les lieux sacrés depuis plus d’une décennie, dans un but religieux.

Le sacrifice au Génie protecteur est une occasion pour rappeler ses mérites. Celui de Dông Phi est le seigneur Bach Tuong dont voici la légende : un chef de clan d’une grande vertu vivait dans le Hoan Châu (actuellement Nghê An, Centre). Sa femme, à 49 ans, lui donna des jumeaux, Bach Tuong et Bach Dia. Quand les deux frères atteignirent l’âge adulte, le pays était déchiré par des guerres civiles interminables entre douze seigneurs. Bach Tuong, Bach Dia et leur cousin Dô Dai, guerriers sans peur et sans reproche, se mirent au service de Dinh Bô Linh pour redonner la paix au pays. Ce dernier, devenu roi en 968, leur accorda un fief à Dông Phi. Après leur mort, la population de chacun des trois villages dédia à chacun d’eux un temple. C’est ainsi que la fête en l’honneur de chaque génie est célébrée à tour de rôle. Dông Phi rend hommage au Génie Bach Tuong tous les trois ans.

Le repas végétarien présenté sur l’autel comporte trois bols de riz, trois bols de potage sucré, trois bols de bouillon d’haricot, et six assiettes de noix de coco, d’arachide, de courges, de sésame, de germes de soja, de dâu ván. Nous mangeons des plats de fruits de mer avec les notables du village, l’usage de la viande étant interdit avant une certaine date dans cette région.

Vât câu, un jeu à caractère rituel

La cérémonie d’invocation de la pluie (dao vu), clou du sacrifice, a lieu au début de l’après-midi. Les anciens du village nous informent qu’elle était organisée, avant la Révolution de 1945, chaque fois que la sécheresse se prolongeait. Le rituel commence par la «lutte sacrée» (vât tho) qui oppose deux vieillards. Ensuite se déroule le match de vât câu ou cuop câu (se disputer la balle). Autrefois, la balle était taillée dans une racine de bananier et peinte en rouge. Aujourd’hui, elle est faite en bois d’acajou et toujours de couleur rouge. La balle représente le soleil. Si le soleil s’immobilise, ses rayons tuent les récoltes. Il faut le faire bouger. Telle est la signification du jeu rituel du vât câu. Les règles du jeu, très précises, veulent que les joueurs, torse nu, se disputent la balle pour la jeter dans deux trous creusées dans la cour de la maison communale. Pendant ce temps, le sacrifice continue jusqu’à ce que tombent les premières gouttes de pluie.

De son vivant, le Docteur Nguyên Khac Viên s’est démené pour que le volant (câu) traditionnel devienne un sport national. Le Département général de l’éducation physique et du sport doit-il faire de même avec le vât câu ?


Huu Ngoc/CVN
Août 2000
(1) : Avec la contribution du Fonds Suède - Vietnam
pour la promotion de la culture.

Rédactrice en chef : Nguyễn Hồng Nga

Adresse : 79, rue Ly Thuong Kiêt, Hanoï, Vietnam.

Permis de publication : 25/GP-BTTTT

Tél : (+84) 24 38 25 20 96

E-mail : courrier@vnanet.vn, courrier.cvn@gmail.com

back to top