Les tambours du ciel de Hôi An

Les skydrums (tambours du ciel) sont fabriqués à Hôi An par Khoa, un Viêt kiêu de France, à partir de l’acier des bombes larguées sur le Vietnam. Rencontre avec un homme passionné, qui s’est reconstruit grâce à la musique.

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Pham Nhu Khoa et ses tambours du ciel.

À Hôi An, province de Quang Nam (Centre), chaque matin, un quinquagénaire à la belle chevelure poivre et sel, dénommé Pham Nhu Khoa, s’installe sur le trottoir d’une rue du centre-ville. D’un sac, il tire un étrange objet en acier, en forme de gong, qu’il appelle «tambour du ciel», le fixe sur un support en bois, puis se met à jouer. Des sons étranges s’élèvent, semblables parfois à ceux du lithophone (instrument de musique en pierre, dàn da en Vietnamien), ou aux tintements de cloche.

Engins transformés en instruments

La scène attire des passants curieux qui s’informent sur cet instrument bizarre. «Je l’appelle le tambour du ciel de Hôi An, explique Khoa, Viêt kiêu de France, 56 ans, parce qu’il est fabriqué ici, à Hôi An, à partir de fragments de bombes». Et de préciser : «Pendant la guerre, les B52 américains ont largué des milliers de bombes. À partir des fragments rassemblés dans la région, je cherche à façonner ces tambours métalliques».

L’idée lui est venue il y a cinq ans en tambourinant sans but précis sur un fût métallique vide trouvé au bord d’une route. Il trouve les sons si harmonieux qu’il imagine déjà créer un tambour doté d’une gamme de notes sur sa surface supérieure, un peu comme un xylophone.

Après une période de réflexion, il décide d’aller se procurer des fragments de bombe chez des quincailliers. L’idée de faire quelque chose de beau avec ces engins qui tuent lui plaît.

La fonderie des caisses est complètement artisanale.

Selon l’inventeur, le tambour métallique a une structure assez simple : une caisse de résonnance de forme ronde, sur la surface supérieure de laquelle sont réparties des touches correspondant à des notes (de 8 à 32). La surface inférieure, elle, est trouée au milieu, et obturée par un bouchon de caoutchouc.

Le village de fonderie de métaux de Phuoc Kiêu, district de Diên Bàn, province de Quang Nam, a été choisi pour fondre les caisses. «Au début, j’ai dû jeter un certain nombre de tambours qui sonnaient faux, avoue-t-il. Il suffit de désaxer la note d’un millimètre seulement pour que le son soit incorrect». Beaucoup d’argent et d’efforts sont ainsi partis en fumée pendant de longs mois, avant que l’artisan ne réussisse à façonner des tambours aux bonnes tonalités.

En cinq ans, Pham Nhu Khoa a produit plus de 400 tambours, caractérisés par 250 jeux acoustiques différents. Le musicien précise : «Je cherche à créer des jeux acoustiques qui s’accordent à la musique d’un pays ou d’une ethnie». Et de citer en exemples les jeux acoustiques de l’Inde, du Japon, de l’Indonésie, des folklores du Nord, du Centre ou du Sud du Vietnam, de l’ethnie minoritaire H’Mông…, tous bien différents et bien distinctifs.

Il rêve actuellement de créer un jeu acoustique s’accordant à la musique du feu compositeur Trinh Công Son.

Fabriqués artisanalement, les tambours de Hôi An sont très prisés par les musiciens, professionnels et amateurs, vietnamiens et étrangers.

Nombreux sont les touristes étrangers, notamment ceux venus d’Australie, de Grande-Bretagne, des États Unis…, qui ont découvert avec admiration le son de ces tambours du ciel.

Enthousiasmé, Khoa raconte : «Une fois, un Anglais vient chez moi et me demande la permission de mesurer, grâce à un appareil, la fréquence des sons émis par le tambour. Après plusieurs minutes d’écoute, il pousse un cri du cœur : Oh mon Dieu ! Ces sons de 432 Hz sont tout à fait standardisés».

Se reconstruire, un chemin en musique

Maintenant, c’est l’heure du test !

Pham Nhu Khoa est originaire de Dông Nai, dans le delta du Mékong. À l’âge de 9 ans, on diagnostique chez lui des pathologies liées à l’agent orange. Son père, un salarié de l’UNESCO Vietnam, décide alors de l’emmener, avec toute la famille, en France afin de traiter sa maladie. Des années s’écoulent. Après avoir décroché son diplôme universitaire, Khoa devient patron d’une société de logiciels à Paris. À l’âge de 42 ans, la maladie de Parkinson le frappe, sans prévenir. Sa vie professionnelle est brisée, sa femme le quitte… Désespéré, Pham Nhu Khoa quitte ses trois garçons et décide de revenir au Vietnam pour se reconstruire. À Hôi An, au fil des temps, il retrouve la joie de vivre grâce à la musique, d’abord avec sa guitare de 12 cordes et sa trompette, puis avec ses tambours.

«Chaque fois que je joue du tambour, je me sens en harmonie avec moi-même. C’est pour moi un remède miraculeux contre ma maladie», confie Khoa. Son souhait : que ses tambours soient largement connus, aimés et pratiqués. «Ce n’est pas difficile du tout. Il suffit de pianoter sur le tambour, et de se laisser aller à rêver». Une brève formule est soulignée dans le guide qu’il a rédigé pour les acheteurs de ses «skydrums» : «Just play and dream».

D’un large sourire, le Viêt kiêu avoue son amour infini pour Hôi An, sa ville d’adoption, «cette jolie ville que je considère comme ma seconde terre natale».

Nghia Dàn/CVN

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