Le tissage de brocatelle confronté à la modernité

La brocatelle est le symbole culturel des ethnies minoritaires du Tây Nguyên, sur les hauts plateaux du Centre. Problème, les tisseuses professionnelles ont de plus en plus de difficultés à vivre de leur métier, la demande ne cessant de chuter.

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L’artisane H’Bach tisse une jupe de brocatelle.

Les habitants issus des ethnies minoritaires du Tây Nguyên et en particulier de la province de Dak Nông, perpétuent depuis des siècles le tissage de thô câm (brocatelle). Cette tradition, transmise de génération en génération, permet à de nombreuses familles d’arrondir les fins de mois. Cependant, le changement des habitudes de vie engendré par l’avènement de la société moderne ne fait pas que des heureux, à l’instar des tisseuses, qui cherchent aujourd’hui des solutions pour endiguer la baisse de la demande pour les produits qu’elles confectionnent.

Brodeuses de mère en fille

La moitié de la population de la commune de Dak R’Tih, district de Tuy Duc, province de Dak Nông est constituée de M’Nông. Lorsque les femmes de cette ethnie en ont terminé avec les travaux champêtres, elles s’installent derrière leur atelier de tissage pour avoir une source de revenu complémentaire. Les artisanes, dont la spécialité est transmise de mère en fille, brodent robes, chemises et autres sacs chamarrés. Des articles utilisés lors des activités culturelles, des fêtes et durant le Têt traditionnel.

Sur le près d’un millier de femmes de plus de 18 ans habitant cette commune, 900 savent tisser. Et parmi ces dernières, les deux tiers ont moins de 30 ans. Ici, de plus en plus de jeunes se consacrent à ce travail, si bien que la préservation de l’identité culturelle traditionnelle de cette région n’est pas menacée.

La tenue traditionnelle des M’Nông.

Mme Thi Ai s’occupe de former les jeunes filles : «Une tisseuse doit être minutieuse, patiente et avoir les mains habiles. Une jupe me prend une semaine de travail et dix rouleaux de laine. En un mois, je peux confectionner quatre jupes, pas plus», explique-t-elle.

Mme H’Bach, 70 ans, une artisane du village de N’Jiêng, commune de Dak Nia, a le métier chevillé au corps. En vraie passionnée, elle cherche constamment à parfaire sa technique et à rechercher de nouveaux motifs pour ses robes aux couleurs chatoyantes. Elle a même ouvert un atelier pour transmettre aux jeunes filles son immense savoir-faire, qu’elle espère voir se perpétuer.

«Aujourd’hui, les femmes portent la plupart du temps des jeans, des chemises ou des T-shirts. Cependant, je suis heureuse, car les personnes âgées mais aussi les jeunes femmes de mon village aiment tisser la brocatelle. Cela donne du baume au cœur», confie H’Binh, jeune artisane de 26 ans parmi les meilleures de sa génération.

L’arbre qui cache la forêt

Si ces deux villages sont à citer en exemple, la situation générale est moins reluisante. Autrefois, la brocatelle satisfaisait les besoins quotidiens. Selon la coutume, pour les noces de mariage, les parents devaient offrir à leur fille une tenue complète. Aujourd’hui, cette tradition n’est plus qu’une relique du passé. Ce sont les citadins et les touristes étrangers qui constituent le principal de la clientèle. Autre problème qui nuit à la réputation de la profession, déjà mal en point : le fait que l’on trouve sur le marché toutes sortes de produits de mauvaise qualité, lesquels sont vendus sous la dénomination de brocatelle mais qui n’en ont que le nom.

Le tissage de brocatelle exige un grand savoir-faire.
Photo : Duong Giang/VNA/CVN

Le revenu net des tisseuses est faible : environ un million de dôngs par mois. En effet, le coût des premières matières est élevé tandis qu’un sac en brocatelle ne se vend en moyenne que 35.000-55.000 dôngs, et 130.000-300.000 dôngs pour une nappe.

De nos jours, les villages des ethnies minoritaires se sont modernisés. Les habitants ne revêtent leurs costumes traditionnels que pour les fêtes et les noces. Pour continuer à faire vivre et à vivre de leur métier, les tisseuses ont demandé un coup de pouce des autorités. Dans la commune de Dak Nia, un village d’artisanat traditionnel a par exemple été créé, suscitant beaucoup d’espoirs chez les habitants de l’ethnie Ma. Mais le soufflé est vite retombé, les dix tisseuses de ce village peinant à trouver une clientèle régulière.

Dans ces conditions, les autorités locales doivent aider les artisanes dans la promotion des produits et la recherche des consommateurs. Autre possibilité envisagée : établir des zones de culture de jute, de coton et de ramie afin de fournir des matières premières de qualité et à moindre coût pour le tissage de brocatelle.

Ngoc Yên/CVN

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