L’alcoolisme, un fléau qui gagne du terrain

En Asie et dans le monde, le Vietnam est l’un des pays consommant le plus de boissons alcoolisées. Un fléau sur la routeet dans la vie tout court. Et au coût social démesuré.

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La consommation d’alcools sous toutes ses formes, ne cesse de progresser.
Photo : Trân Truong/CVN

Pays agricole, le Vietnam se targue d’être le deuxième exportateur mondial de riz. Mais, «alors que notre pays gagne annuellement environ 3 milliards de dollars de ses exportations de riz, ses habitants consacrent la même somme à la consommation de bière. Tant d’efforts de nos dizaines de millions de paysans pour payer cette boisson, est-ce bien raisonnable ?», s’interrogeait l’économiste Pham Chi Lan, lors de la Tribune sur la politique agricole organisée en 2015.

En 2014, 3 milliards de litres de bière ont été consommés au Vietnam, soit 3,5 fois plus qu’en 2004. Cette année, ce chiffre devrait s’élever à 4,2 milliards. En termes de consommation de ce breuvage, le Vietnam se classe premier parmi les pays de l’ASEAN, et troisième en Asie. Tandis que le revenu moyen des Vietnamiens n’est que le 8e parmi les 11 pays d’Asie du Sud-Est.

Consommation excessive

Selon Nguyên Van Viêt, président de l’Union nationale des brasseries et fabricants de boissons alcoolisées et rafraîchissantes, le pays compte 119 brasseries, les plus connues étant «Bia Hà Nôi», «La Rue» de Huê, ou encore «Bia Sai Gon». Ainsi que 164 établissements producteurs de boissons alcoolisées. Une réalité déplorable dont les impacts sur la société sont loin d’être négligeables.

Selon les experts, la consommation d’alcools de tous types ne cesse de progresser dans le pays. Toutes les classes de la société sont concernées, des ouvriers aux cadres supérieurs, adultes et jeunes, citadins et ruraux. «Cela a des impacts sur nos traditions culturelles, crée de grands gaspillages d’argent et de temps de travail, et engendre de graves conséquences dans les familles, selon un expert. Une part importante des bagarres, des meurtres et des violences familiales sont imputables à la consommation excessive d’alcool».

C’est un fait, l’alcool est un facteur prépondérant dans les violences domestiques et les agressions sexuelles. Quand on calcule les frais médicaux, les primes d’assurance et les pertes de productivité liés aux accidents, aux maladies et aux morts prématurées, on s’aperçoit que le coût social de l’alcool est faramineux.

À Hanoi, comme dans d’autres grandes villes, les bia hoi - ou estaminets de bière à la pression sont légion. Les plus fréquentés sont ceux ouverts sur la rue, qui débordent sur les trottoirs à midi et le soir. Bien que le confort soit sommaire - petites tables et tabourets en plastique, les clients sont nombreux. Et exclusivement des hommes. Certains n’hésitent pas à parler de «culture de la bière sur le trottoir», ce dont les principaux intéressés ne sont pas peu fiers. Lors des repas familiaux, des mariages, des anniversaires de la mort d’un proche, des fêtes traditionnelles, la bière est souvent remplacée par l’alcool de riz (ruou).

Des chiffres effarants

L’abus d’alcool est l’une des causes premières des accidents de la route.
Photo : Công Thu/VNA/CVN

Au Vietnam, l’alcool fait payer un lourd tribut en vies humaines. Et c’est la jeunesse qui paie le prix fort. Selon des données du Comité national de la sécurité routière, sur la période 2013-2014, les accidents de la route ont fait annuellement 12.000 morts, dont 4.800 imputables à l’usage abusif d’alcool. Comptabilisant 31,44% des accidents mortels, Hanoi se classe en tête du macabre décompte.

Selon une enquête menée par l’Institut de la police populaire dans 11 provinces et villes du pays, durant la période 2010-2014, chaque année, une centaine d’affaires criminelles ont impliqué un usage abusif de boissons alcoolisées, à quoi s’ajoutent 400 morts et autant de blessés dus à la même cause.

Ces derniers temps, se sont développés des établissements d’alcools contrefaits, aux conséquences sanitaires désastreuses. L’affaire la plus connue est celle dite de l’«Alcool de riz gluant 29», à Hanoi, jugée en 2013, où de l’alcool frelaté avait provoqué six décès lors d’un seul repas.

Selon le médecin Duong Dinh Toan, du service d’urgence et de réanimation de l’hôpital Viêt-Duc (Hanoi), «la plupart des cas liés aux accidents de la route sont plus ou moins imputés à l’alcool». Pour le Docteur Nguyên Van Tuân, chef du Département d’addictologie de l’hôpital psychiatrique de Hanoi, la consommation d’alcool a une influence sur le développement de nombreuses maladies : cancers, maladies cardiovasculaires et digestives, maladies du système nerveux et troubles psychiatriques. L’alcool peut également être à l’origine de difficultés plus banales (fatigue, hypertension artérielle, troubles du sommeil, problèmes de mémoire ou de concentration). Et de déplorer : «Le nombre de nos compatriotes alcoolo-dépendants ne cesse de croître. En 2014, notre hôpital a reçu 454 nouveaux cas, soit 12% du total des patients hospitalisés».

C’est un fait, et il faut l’admettre et le reconnaitre, l’alcool est la première drogue au Vietnam. Une drogue aux conséquences sociales, sanitaires et médicales graves. Il est temps de cesser de penser qu’il n’y a pas de dépendance à l’alcool ou que l’alcool a moins d’importance que les autres dépendances.

Nghia Dàn/CVN

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