J’aime lire, oui mais comment ?

J’aime lire est le titre d’un magazine pour enfants en France que tous les jeunes (et moins jeunes) français connaissent. Au Vietnam, lire et aimer la lecture n’est jamais simple. Puisque ce n’est pas dans les mœurs, rien ou presque n’est mis en place à l’école pour inciter les enfants - dès la maternelle - à cette pratique, pourtant essentielle sur le plan intellectuel. Enquête.

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Le salon du livre, un rendez-vous de prédilection de nombreux enfants.
Photo : Hoàng Phuong/CVN

Les statistiques du Centre des recherches du Vietnam et de l’Asie du Sud-est mettent en évidence une situation inquiétante : 26% des Vietnamiens ne lisent aucun livre depuis au moins un an, 44% lisent occasionnellement, et seuls 30% lisent régulièrement. Enfin, 8% des gens sont membres d’une bibliothèque.

Les autres chiffres sont plus éloquents encore : chaque Vietnamien lit en moyenne 2,8 livres et 7,1 journaux par an. Et au lancement de la Journée des livres à Hanoï le 19 avril 2016, le vice-ministre de l’Éducation et de la Formation, Pham Manh Hung, a corrigé que chaque Vietnamien ne lisait que quatre livres par an, dont 2,8 sont en réalité des manuels scolaires... Édifiant.

Nguyên Quang Thach, fondateur du programme à but non-lucratif «Livres pour les campagnes», partage que 90% des gens vivant en régions rurales au Vietnam ne savent pas comment emprunter un livre à la bibliothèque. Et en ville, la situation n’est guère plus reluisante. «Pendant deux mois, j’ai pris le bus à 60 reprises à Hanoï et, de manière stupéfiante, une seule personne, oui, une seule personne, a ouvert un livre ! Et ne me dites pas que le bus n’est pas un endroit confortable pour la lecture ! C’est super confortable ! À l’étranger, tout le monde en profite !», s’emporte-t-il.

Ces statistiques mettent le Vietnam parmi les pays les plus mal classés dans ce domaine. À Singapour, les gens lisent en moyenne 14 livres chaque année, dix en Malaisie et plus de vingt en France ou au Japon. D’autres recherches affirment que les chiffres sont moins désastreux que les statistiques dudit Centre. Mais il ne faut pas oublier que la lecture dans un lieu public ne fait pas partie de la culture vietnamienne.

Des explications peu convaincantes

Les jeunes cherchent les livres dans une librairie à Nghê An (Centre).
Photo : Bich Huê/VNA/CVN

Beaucoup de responsables évoquent le fait que lire un ouvrage au format papier est aujourd’hui dépassé, à l’heure où les technologies numériques ont largement pris le pas sur le reste. «Le chiffre de 26% du Centre des recherches du Vietnam et de l’Asie du Sud-est est à relativiser. Cette statistique n’inclut pas le nombre de gens qui utilisent les livres numériques. De plus, les élèves et étudiants lisent énormément, même si je suis d’accord pour dire que la situation actuelle est alarmante», explique Vu Duong Thuy Ngà, chef adjoint du Département des bibliothèques du ministère de l’Éducation et de la Formation.

Selon Nguyên Kiêm, vice-président de l’Association des expéditeurs vietnamiens, la cause principale est que «70% de la population vivent dans les campagnes, où la valeur et l’importance de la lecture ne sont pas reconnues. En d’autres termes, la pauvreté est responsable, de manière plus ou moins directe, du manque de livres et d’enthousiasme pour la lecture». Mais il semble que la pauvreté ne soit pas la cause principale, mais plutôt la culture locale. Par exemple, en Inde, même dans les régions les plus démunies, les gens passent en moyenne 11 heures par semaine à lire.

«Faites attention aux statistiques, car ces chiffres ne disent pas grand chose ! Personnellement, je peux citer les causes, comme l’absence d’une culture de la lecture, la pauvreté, la mainmise de la technologie, etc. Mais il est clair qu’il n’y a pas de publications de +vrais+ livres pour les enfants, tandis que la plupart des adultes n’aiment pas lire, franchement», partage le Professeur Nguyên Van Tuân de l’Université New South Wales, Australie.

Mai Liêm Truc, ancien vice-ministre de la Poste et des Télécommunications, constate qu’actuellement, les jeunes lisent beaucoup, mais pas dans un format papier. «Le problème est que l’on va lire quoi ? La lecture des contenus d’Internet ne peut jamais faire travailler l’imaginaire, ce qui est très important pour les enfants. Si les adultes n’aiment pas lire, alors pourquoi leurs enfants chercheraient-ils à le faire ?», s’interroge-t-il.

La famille a un rôle crucial à jouer

Une séance de lecture gratuite pour les enfants à Gia Viên, province de Ninh Binh (Nord).

En fait, les autorités - voire le gouvernement - ont tenté à maintes reprises d’améliorer la situation. Plusieurs bibliothèques publiques et universitaires ont ainsi ouvert leurs portes gratuitement. Mais rien n’a changé, celles-ci étant fréquentées seulement pendant les périodes de révisions.

Par conséquent, la solution la plus appropriée consiste à inculquer le goût de la lecture aux petits, et ce dès leur plus jeune âge. Et la famille joue là un rôle crucial. Beaucoup de recherches ont exposé des solutions plus ou moins scientifiques. Mais la clé réside dans l’attitude des parents et autres adultes.

Certains établissements ont pris les devants. La Dr Nguyên Thuy Anh, fondatrice du club «Lire avec les enfants», partage que les séances de lecture ont aidé les parents à identifier les défauts dans leurs méthodes et approches éducatives en général, notamment dans la lecture chez les petits. De plus, le club organise également des séances en plein air, permettant aux enfants de sortir et de s’éloigner des produits technologiques. «Ma classe a découvert beaucoup de choses grâce aux séances de lecture avec le club. Mes parents sont ravis !», s’exclame Trân Thu Hà, scolarisé à l’École élémentaire Vinh Tuy, Hanoï.

Si ces derniers éléments laissent entrevoir de l’espoir, il semble que la devise «J’aime lire» sera longue à généraliser...

Dang Duong/CVN

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