À propos de la modernisation de l’áo dài

Depuis quelques années, l’áo dài (tunique fendue traditionnelle des Vietnamiennes) commence à reconquérir la scène vestimentaire. Toutefois, le phénomène divise, avec l’un côté le camp des conservateurs des áo dài traditionnels, et de l’autre celui des rénovateurs.

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Les +áo dài+ traditionnels au festival «Têt Viêt» 2017.
Photo : Dang Duong/CVN

Dans les années 80 et 90, il n’y avait, à quelques rares exceptions près, aucun áo dài dans les rues du Vietnam. L’économie de marché a permis aux gens de se rapprocher de la mode occidentale, si bien que les costumes traditionnels sont rapidement tombés aux oubliettes. Par la suite, plusieurs militants et groupes d’activistes ont tenté d’encourager le port de l’áo dài en dehors des grands événements publics, en vain.

Mais depuis bientôt deux ans, l’áo dài retrouve progressivement sa place, en particulier dans les grandes villes, où l’on peut contempler cette fameuse tunique portée par les jeunes filles, les dames, et parfois même les hommes. Néanmoins, les coupes et les styles ne sont plus les mêmes qu’autrefois, ce qui provoque de grandes discussions entre les créateurs de mode.

Entre tradition et modernité

L’áo dài «traditionnel» se caractérise surtout par ses coupes très étroites au cou, aux épaules, à la poitrine et à la taille. Il se distingue aussi facilement par ses longues manches et ses deux pans descendant jusqu’au-dessus des chevilles, en-dessous desquels on porte habituellement un pantalon souple et fin. La soie est le textile le plus répandu pour la conception de l’habit.

À l’intérieur de la fameuse boutique d’+áo dài+ Vinh Trach, dans la rue Luong Van Can, à Hanoï.
Photo : Trong Dat/VNA/CVN

Cependant, les couturiers vietnamiens modernes ont cherché à revisiter la version traditionnelle de ce costume. Les différences sont faciles à constater : le col monté est remplacé par un col rond ou en V, la longueur est plus courte et les manches sont retirées. On utilise désormais les jeans, shorts ou robes, voire la vay dup (robe d’antan) pour remplacer le pantalon classique. Ces áo dài «modernes» sont très prisés des jeunes, qui les portent volontiers pendant les festivités du Têt. En revanche, ils rendent furibonds les conservateurs.

«Il n’y a aucune formule spécifique pour la mode, mais la combinaison de la tunique avec la +vay dup+ et les shorts est inadmissible !», s’emporte la styliste Lan Huong. Des propos que la styliste Xuân Thu approuve : «L’avènement des +áo dài+ modernisés illustre en partie la déchéance esthétique de la population. Les pans peuvent être plus courts, mais les pantalons doivent être conservés».

L’+áo dài+ modernisé a la cote auprès des jeunes au récent Têt du Coq.
Photo : CTV/CVN

Nguyên Ngoc Phuong Dông, anthropologue aux États-Unis, précise que pour le port de l’áo dài, le pantalon était imposé durant le règne du seigneur Nguyên Phuc Khoat (1738-1765). Celui-ci n’est devenu obligatoire au Nord du Vietnam uniquement durant le règne de l’empereur Minh Mang (1829-1841).

Trân Thi Nhàn, directrice de la compagnie de textile Dông Binh, parle déjà de la chute imminente du marché des áo dài modernes. Raison principale invoquée ? Le fait que les jeunes optent plutôt pour la nouveauté sans accorder d’importance à l’originalité.

S’adapter à la vie de tous les jours

Hormis les valeurs plus ou moins traditionnelles, les Vietnamiens, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, préfèrent plutôt que la modernisation des áo dài soit adaptée à leur quotidien. Pour Nguyên Phuong Liên, avant de demander à ses enfants de porter le costume dans sa version traditionnelle ou moderne, le plus important est qu’ils apprécient de le revêtir. «Ma fille n’aime pas le pantalon, elle a donc opté pour la robe», partage-t-elle.

La célébrité Ngoc Quy précise que si la sauvegarde des traits culturels est importante, il ne faut pas être trop rigide à l’égard des changements. Pour l’animatrice Phuong Thao, la pratique prévaut tout : «J’aime porter l’+áo dài+ pendant les fêtes et les grands événements, mais aussi au quotidien. Néanmoins, il faut bien reconnaître que l’+áo dài+ traditionnel n’est pas très confortable».

Les +áo dài+ modernes au Festival de l’+áo dài+ de Hanoï 2016.
Photo : Thanh Hà/VNA/CVN

Par ailleurs, les historiens ont aussi démontré que l’áo dài «traditionnel» était aussi le fruit des changements des mœurs. Trân Thanh Truc, membre du groupe des militants Dai Viêt Cô Phong, raconte que l’áo dài «traditionnel» - avec de longs pantalons et des coupes étroites - était autrefois interdit.

«L’+áo dài+ modernisé de ces dernières années n’est pas un phénomène nouveau», indique Nguyên Ngoc Phuong Dông en montrant un dessin de l’áo dài porté avec la vay dup daté du XVIIIe et exposé au Musée national de l’histoire du Vietnam. Le style «traditionnel» est en fait le fruit du travail de créateurs de mode occidentaux, repris ensuite par le modéliste Cat Tuong durant les années 1930. «Je trouve que l’+áo dài+ modernisé, plus court et plus souple, dégage une forte dynamique et se rapproche de la version originale», confie-t-il.

«La mode change sans cesse, dit l’animatrice Hoàng Oanh. Mais ces nouveaux aspects doivent s’ajuster aux limites de l’habit pour ne pas délaisser les traits culturels traditionnels. Adapter le style vestimentaire pour chaque évènement est la meilleure solution», conclut-elle.

Dang Duong/CVN

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